Laissons-les faire! L'exemple des équations

En 6TQ (4h de math), j’ai une unité qui s’appelle « Système d’équations linéaires », dans laquelle on apprend à résoudre des systèmes d’équations à 2 et 3 inconnues.

Jusqu’à présent, je l’enseignais dans un ordre bien établi, en commençant par ce qui me semblait le plus facile:

  • substitution à 2 inconnues,
  • combinaisons à 2 inconnues,
  • combinaisons à 3 inconnues.

Je posais à chaque fois un problème introductif qui se prête bien à la méthode que je voulais voir, et puis j’expliquais la méthode. Hop, bien réglé, bien ficelé 😎️

Nan, en réalité, cette unité finissait toujours en enfer 😩️

D’un côté, ceux qui pigeaient tout de suite, et te résolvent chaque système en 2 minutes. De l’autre, ceux qui n’étaient pas attentifs quand j’expliquais la méthode, ou qui décrochaient pour raison X ou Y, et qui se désengageaient du cours. Alors je réexpliquais la fois d’après. Et là j’en gagnais 2 en plus. Puis encore le cours d’après, pour en avoir 1 en plus, puis… Haaaaaaa 😱️ Et pendant ce temps, ceux qui avaient compris tout de suite résolvaient leurs systèmes en 2 minutes et… se désengageaient aussi 😑️

Et, soyons honnêtes, une fois qu’ils avaient fini par capter la méthode, je suis loin d’être sûr qu’ils en comprenaient le sens.

Donc cette année scolaire, j’ai essayé d’autres choses 🥳

Je n’ai pas changé ma structure de cours, mais au moment d’entamer les combinaisons, je leur ai présenté ce problème au tableau, adapté de ma bible (on en trouve des tas du style sur Facebook).

Équations visuelles

La consigne était de trouver d’autres relations entre le poids des balles, pour finir par trouver le poids de chacune d’elles.

Et là…😲️ J’ai été impressionné par l’engagement dont ils ont fait preuve, même parmi ceux qui sont généralement peu actifs. Ils se mettaient à discuter et à s’expliquer entre eux!

Du coup, je leur ai proposé d’autres problèmes visuels en veillant à les laisser les résoudre librement. Mon rôle s’est borné à mettre en avant les opérations qu’ils faisaient sur les équations (« j’additionne les 2 premières lignes », « je multiplie la 3ème par 4 ») et à leur demander de motiver leurs choix. Ensuite, je suis passé à des systèmes à 2 et 3 inconnues en faisant la connexion entre le formalisme algébrique et les opérations qu’ils faisaient sur les dessins.

Jamais je ne leur ai montré comment « il fallait faire ». Et vous savez quoi? Ils se sont magnifiquement débrouillés tout seuls et je n’ai jamais vu cette matière aussi vite! 🥳

Je ne m’attendais vraiment pas à ce que ça fonctionne si bien, et du coup, pour l’année prochaine, je pense les laisser se débrouiller dès le début et faire sens par eux-mêmes. Ne pas préstructurer mon cours selon ma vision de ce qu’est le plus facile ou pas, mais observer ce qu’ils font, et m’y adapter en donnant un coup de pouce bien placé 🙂️

Ça fait longtemps que je lis que les élèves ont besoin de jouer avec les concepts avant toute formalisation, mais j’ai encore du mal à lâcher suffisamment prise.

Pourtant, cela fait terriblement sens: pour construire solidement des apprentissages, il faut faire des connexions avec ses acquis antérieurs. En laissant les élèves s’approprier les concepts, ils font cette connexion naturellement avec leurs acquis à eux, pas ceux que j’imagine qu’ils ont. C’est seulement une fois que cette connexion est faite, qu’il devient possible de lier leur travail d’appropriation à la formalisation standard.

Je sens que je suis sur la bonne voie 🤞️

Image-bannière originale.